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17/08/2020

Colson Whitehead : Nickel Boys

Colson Whitehead Arch Colson Chipp Whitehead, né en 1969 à New York, est un romancier américain. Il fréquente la Trinity School de New York puis est diplômé de l'université Harvard en 1991. Journaliste, ses travaux paraissent dans de nombreuses publications, dont  The New York Times, Salon et The Village Voice. Il est un des rares écrivains à remporter deux fois le Prix Pulitzer pour des fictions, en 2017 pour Underground Railroad et 2020 pour Nickel Boys.

Tallahassee en Floride durant les années 60 et la ségrégation. Elwood Curtis un jeune Noir brillant se prépare à entrer à l’université quand il est arrêté à tort et expédié à la Nickel Academy, une école disciplinaire chargée de redresser les délinquants…

Le roman est en trois parties. Dans la première nous faisons connaissance avec Elwood, encore gamin il est élevé par sa grand-mère Harriet depuis que ses parents se sont évaporés dans la nature. Bon élève et sérieux dans son petit job chez l’épicier, nourri des textes du pasteur Martin Luther King, il a toutes ses chances pour s’en tirer dans la vie d’autant qu’il a réussi à obtenir une place à l’université. Le matin de son premier jour, il s’y rend en stop…. Et sa vie bascule. Le chauffeur qui le prend a volé la voiture et un contrôle routier sonne le glas des espoirs d’Elwood.

La seconde partie est consacrée à la Nickel Academy. Ici aussi la ségrégation sépare Noirs et Blancs, les premiers morflant plus que les autres. Vie dans cette école-prison, violence et méchanceté des gardiens, brimades ou vexations de la part des autres « élèves », châtiments corporels, Elwood garçon placide se fait néanmoins un ami en Turner qui le pistonne pour les travaux d’intérêt général, quelques heures d’évasion à l’extérieur de l’enceinte.

A ce point du récit (d’ailleurs inspiré d’une histoire réelle), bien que le roman soit très bon, agréable à lire grâce à son ton relativement léger vu le contexte, et même drôle parfois (« Il puait le cheval et insultait leur mère, ce qui était assez mesquin vu que la plupart d’entre eux n’en avaient plus ») je ne comprenais pas vraiment l’engouement de la critique et ce Pulitzer. Et puis arrive la dernière partie et là j’ai compris !

Les années ont passé, Elwood vit désormais à New York, il a un bon job, patron de son entreprise. La narration prend un tour légèrement plus complexe, demandant plus d’attention de la part du lecteur. La chronologie mêle hier, aujourd’hui et demain, des années 60 à nos jours. Les souvenirs d’Elwood sur son passé s’éclairent, des faits précis et poignants remontent à la surface, on entre dans le dur, les souffrances subies, les injustices ignobles. Certains passages sont extrêmement émouvants pour ne pas dire plus.

Et survient le coup de théâtre magistral ! Absolument imprévu, dramatique au plus haut point, de ceux qui marquent un lecteur, avant que ne s’achève le livre sur une lueur d’espoir pour un homme désormais mûr, à un tournant de sa vie, prêt à s’engager pour crier la vérité, car comme le disait Martin Luther King « Mais ne vous y trompez pas, par notre capacité à souffrir nous vous aurons à l’usure, et un jour nous gagnerons notre liberté. »

Un excellent roman, le vent unanime de la critique soufflait juste.  

 

 

« Turner n’avait jamais rencontré personne comme Elwood. Solide était l’adjectif auquel il revenait sans cesse, malgré l’apparente douceur du garçon de Tallahassee, à qui on aurait donné le bon Dieu sans confession et qui pouvait se révéler agaçant avec son penchant moralisateur. Malgré aussi ses lunettes, qu’on avait envie d’écraser sous son pied comme un papillon. Quand il parlait on croyait entendre un étudiant blanc, il lisait des livres même quand personne ne l’y obligeait et en extrayait de l’uranium pour sa bombe A personnelle. Malgré tout cela, il était solide. »

 

 

Colson Whitehead Colson Whitehead   Nickel Boys   Albin Michel – 255 pages – (A paraître le 19 août 2020)

Traduit de l’américain par Charles Recoursé